Patagonia : Let my people go surfing

 

Connaissez-vous Yvon Chouinard, fondateur et principal actionnaire de Patagonia? Yvon Chouinard démarre dans les affaires à la fin des années 1950, en concevant, fabriquant et distribuant des équipements d’escalade. En 1964, il édite son premier catalogue par correspondance, soit une simple page photocopiée qui précise, entre autre, qu’il ne faut pas espérer une livraison rapide durant la saison d’escalade. La devise de Patagonia est la même depuis près de 40 ans : utiliser le monde des affaires pour inspirer et mettre en place des solutions à la crise environnementale.

 

Dans son livre intitulé “Let my people go surfing , qui se présente comme une sorte de manuel interne de la marque, Yvon Chouinard détaille les valeurs et les principes philosophiques de Patagonia.

Il y parle de la conception de ses produits, de leur production, de leur distribution, du marketing mis en place, des finances, des ressources humaines ainsi que du management et de l’environnement. Les principes philosophiques abordés ici ne constituent pas des règles : ce sont davantage des orientations générales qui ne sont d’ailleurs pas applicables à toutes les situations.

Selon Yvon Chouinard, pour qu’une entreprise perdure, les méthodes opératoires peuvent changer, évoluer. Les valeurs, la culture et la philosophie de la marque doivent, quant à elles, rester constantes. Une sorte de charte morale à laquelle se référer dans un monde professionnel où tout évolue constamment. Libre à chacun, ensuite, de prendre des initiatives pour faire évoluer la marque autour de ces valeurs.

 

Voici quelques éléments clés présentés dans Let my people go surfing :

  • Etre bénéficiaire

Si vous voulez être un modèle pour les autres entreprises, vous devez être bénéficiaire. Aucune entreprise ne vous respectera si vous ne réalisez pas de bénéfices. Il est alors permis d’être excentrique, à condition d’être riche. Dans le cas contraire, vous êtes juste cinglé.

  • La qualité avant le prix

C’est la qualité, et non le prix, qui est le plus corrélé à la réussite d’une entreprise. Dans la plupart des cas, les entreprises qui ont une réputation de qualité pour leurs produits et leurs services font en moyenne un retour sur investissement douze fois supérieur à celui de leurs concurrents qui proposent une qualité moindre ou des prix plus bas.

  • La raison d’être de l’entreprise

La raison d’être de certaines entreprises n’est pas un produit ou un service en particulier mais l’entreprise elle-même. On souhaite alors la faire grandir pour mieux la vendre par la suite. Il n’existe alors pas de lignes claires sur leur but et raison d’exister.

 
  • L’efficacité avant tout

Les bénéfices doivent provenir de votre efficacité. Patagonia a su rester rentable, certaines années où la croissance n’était pas importante, en optimisant l’efficacité de ses opérations et en évitant de vivre au-dessus de ses moyens. Yvon Chouinard considère que les bénéfices sont le vote de confiance que les clients apportent à l’entreprise en approuvant ce qu’elle fait.

  • Une stimulation permanente

Une entreprise devrait toujours se mettre en situation de stress pour évoluer. Quand il n’y a pas de difficultés, un dirigeant avisé devrait en créer pour stimuler les employés et les mettre au défi face aux changements. C’est quand tout va trop bien qu’il est temps de bouger. Alors que les valeurs doivent rester ce qu’elles sont, chaque organisation, entreprise, gouvernement ou institution doit s’adapter, se montrer résiliente, et essayer constamment d’adopter de nouvelles idées et de nouveaux modes opératoires.

 
  • Se baser sur de réels besoins

Yvon Chouinard explique que Patagonia n’a jamais créé de besoins factices en utilisant de la publicité à outrance dans le but de vendre leurs produits, notamment au public le plus jeune. Il s’agit avant tout que leurs clients achètent leurs produits parce qu’ils en ont un réel besoin et non par envie éphémère.

  • Connaître ses limites

Il précise également qu’il ne s’agit pas de vouloir devenir une grosse société. Il est plus facile d’être la meilleure des petites entreprises plutôt que la meilleure des grandes entreprises. Il faut savoir sacrifier la croissance d’un secteur pour en favoriser un autre. Il est alors important d’avoir une idée précise de ses limites et de rester dans le cadre de celles-ci, sachant que dès qu'elles seront outrepassées, le type d’entreprise que vous désirez être cessera d'exister.

  • Etre indépendant financièrement

Il écrit en outre qu’étant pessimiste face à l’avenir de l’économie mondiale et fondée sur des ressources limitées, Patagonia ne souhaite pas recourir à des capitaux d’emprunt et ne souhaite de ce fait avoir aucune dette.

 
  • Evoluer rapidement

Les changements peuvent être extrêmement rapides. De nombreuses entreprises japonaises n’ont par exemple pas de budget annuel : elles le remettent à jour tous les six mois. Une entreprise devrait donc toujours jouer au jeu des “et si”. C’est d’ailleurs le rôle des financiers que d’expliquer ce qui s’est passé, mais aussi de prévoir les mauvaises surprises.

  • Le plaisir de travailler

Le travail doit être un plaisir. Patagonia apprécie les employés qui ont une vie riche et bien remplie. Les horaires sont souples, les employés gèrent leur temps comme ils l’entendent, à partir du moment où le travail est fait sans conséquence négative pour les autres. C’est pourquoi ils ont mis en place la politique “Libre d’aller surfer”.

  • Avoir une stratégie comptable

La politique de Patagonia est de payer loyalement les impôts qu’ils doivent, mais pas un centime de plus. Patagonia se refuse, selon des pratiques comptables légales utilisées par des sociétés cotées, à montrer des bénéfices chaque trimestre. Leur stratégie comptable est de n’utiliser que des techniques qui refléteront de la manière la plus juste et la plus cohérente possible leur situation financière réelle.

 
 
 

Yvon Chouinard a créé l'association “1% pour la planète” qui s’engage à donner au moins 1% de de son chiffre d’affaires pour des actions de protection et de réhabilitation d’espaces naturels.

Si Patagonia venait à être vendue, ses valeurs ne pourraient être modifiés qu’à l’unanimité du conseil d’administration.

Constamment, des acquéreurs potentiels contactent la société avec la même intention. Ce qu’ils voient, c’est une entreprise sous-évaluée qu’ils pourraient rapidement faire croître pour l’introduire en Bourse. Mais Patagonia considère que devenir une entreprise cotée ou avoir des investisseurs comme partenaires entraverait la manière dont elle fonctionne. Son intention est de rester une entreprise privée pour continuer à se concentrer sur l’essentiel, seul résultat qui compte à ses yeux : faire le bien.

 
 
Damien Astolfi